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Les profs sont à bout !
   

Le 22 juillet 2020

Monsieur Legault, pourriez-vous, s’il-vous-plaît, laisser vos colliers d’étranglement au vestiaire ? Merci !

Par Jules Lamarre, Ph. D. Économiste et géographe

Ici comme ailleurs, à cause de la Covid-19 qui ne veut pas nous lâcher, les amateurs de bars, de plages et de spectacles se font restreindre l’accès à des activités qui les aideraient à coup sûr à survivre à la détresse psychologique qui atteint présentement des sommets inégalés au sein de la main-d’œuvre québécoise. En effet, selon une étude que vient de faire paraître la professeure Caroline Biron de l’Université Laval, la détresse psychologique au travail affecte actuellement 50% de la main-d’œuvre québécoise – oui, vous avec bien lus – et que cette proportion grimpe à 60 % dans le cas des gens qui occupent des emplois peu rémunérés et pour lesquels la charge de travail peut s’avérer démesurée. Et ça, ça arrive très souvent, malheureusement. 

Il serait grand temps que le gouvernement Legault commence à nous laisser respirer parce qu’on serait collectivement rendu à bout, preuves scientifiques à l’appui. Toutefois, il semble bien que nos élus au pouvoir ne l’entendent pas de cette façon qui voudraient en rajouter, du moins si l’on en croit certains signaux qu’ils nous envoient depuis un moment à cet effet.

Admettons d’emblée que la « gestion rigoureuse », voire sans merci, du parti libéral du Québec nous aura appris à encaisser, surtout les plus faibles d’entre nous parce qu’incapables de se défendre. Visiblement toutefois il semble que le gouvernement Legault va bientôt en remettre en s’en prenant encore aux enseignants du primaire et du secondaire même s’ils sont déjà à genoux depuis longtemps. C’est ce que laisse entrevoir, entre autres choses, l’abolition des Commissions scolaires par le ministre Roberge.

Et puis, le gouvernement Legault va probablement encore mettre à l’épreuve la résilience des travailleurs et des travailleuses du réseau de la Santé et des services sociaux. C’est ce que semble annoncer cette fois la nomination du ministre Dubé – un gestionnaire de grande envergure – à la tête du ministère de la Santé et des Services sociaux, là où on aurait dû conserver l’expertise de la ministre McCann, parce qu’elle y a bossé toute sa vie et qu’elle sait qu’entre les colonnes de chiffres, on retrouve beaucoup, beaucoup de gens qui sont à bout, qu’ils se trouvent d’un bord ou bien de l’autre des nombreux comptoirs de services aux citoyens et aux citoyennes de ce ministère. 

Le cas de l’abolition des commissions scolaires

L’affaire est d’une grande complexité. C’est pourquoi il faut la laisser en pâture aux experts du domaine pour qu’ils puissent en débattre pour toujours. Toutefois, quand on lit sur le sujet, on comprend qu’en procédant rondement le ministre Roberge commet peut-être plusieurs fautes graves. Or il n’en faudrait qu’une seule, paraît-il, pour se voir précipiter en enfer. Donc une seule devrait pouvoir mener à la condamnation de l’entreprise en entier et celle que j’.ai repérée adopte la forme d’un double discours.   

Le double discours saute aux yeux dès que le ministre présente l’abolition des commissions scolaires comme l’occasion, notamment, de réaliser une grande opération de décentralisation des pouvoirs vers les écoles, peut-être la plus importante depuis la fondation du ministère de l’Éducation du Québec en 1964. Pourquoi pas ! Le ministre reprendrait ainsi à son compte le discours enivrant, s’il en est un, des écoles publiques à rendre communautaires et responsables pour qu’elles deviennent des quasi-écoles privées qui, comme on le sait, n’en ont jamais eu besoin, elles, des commissions scolaires. 

Mais pendant que, d’un bord, on dit décentraliser pour mieux « responsabiliser » les écoles afin que les divers corps enseignants prennent en main la réalisation de projets éducatifs originaux et emballant pour leurs établissements – alors qu’ils sont déjà à bout –, de l’autre, le ministère de l’Éducation ne cesse d’accroître son emprise directe sur les écoles en recourant à un collier d’étranglement – soit ce dont on use pour calmer les ardeurs des chiens récalcitrants. En effet, depuis des années maintenant, avec l’imposition de diverses formes de reddition de compte, c’est la reprise en main de l’école par l’État qui s’opère assurément malgré tous les beaux discours officiels sur la décentralisation.  

On serre la vis au maximum afin d’obtenir du personnel scolaire des accroissements d’efficacité « mesurables » en termes de diplomation, ou de réussite scolaire, au détriment de la réussite éducative des élèves qui, elle, vise à en faire de meilleur(e)s citoyens et citoyennes, pendant que bien des métiers sont en train de devenir « impossibles », comme le métier d’enseignant et d’enseignante, justement.

Serrer la vis pour serrer la vis seulement

En continuant de serrer la vis partout tout en s’affichant comme des héros de la décentralisation, alors c’est une foule de métiers qui seront encore et toujours de plus en plus difficiles à pratiquer tout particulièrement aussi dans le domaine de la Santé et des Services sociaux, là où les infirmières et les travailleurs sociaux sont à bout depuis longtemps. Et c’est en ce sens que la nomination du ministre Dubé, qui excelle sûrement dans les affaires d’argent et la reddition de comptes, n’augure rien de bon pour la suite des choses dans son nouveau ministère. 

Monsieur Legault, c’est d’un break dont on a besoin, pas de vos colliers d’étranglement.