La Maison de la géographie de Montréal  
     
 

ACFAS 2009 - colloque 449, organisé par Édith MUKAKAYUMBA et Jules LAMARRE
La recherche à partir de la marge. La condition des chercheurs exclus des structures officielles

 
     
     
  Exclusion et solidarité  
     
  Thomas DE KONINCK
Titulaire de la chaire La philosophie dans le monde.
Université Laval, Québec
 
     
     
 

«Le sommet le plus élevé que l’homme puisse atteindre réside dans la prise de conscience de ses propres convictions et pensées et dans la connaissance de soi, facultés qui lui permettent aussi de connaître intimement des tempéraments étrangers» (Goethe)(1)

         Je remercie vivement les organisateurs de ce colloque de m’avoir fait l’honneur de cette invitation. Comme il s’agit d’exclusion et de marginalisation dans le monde de la recherche, j’ai pensé vous entretenir, au départ du colloque, d’exclusion et de solidarité, mais sur un plan plus universel encore. Ainsi qu’il convient en philosophie, je me situerai donc davantage au niveau des principes et de l’humain comme tel. Il reste que ces principes sont universels et s’appliquent donc forcément aux situations qui nous préoccupent ici et qu’ils constituent des éléments de solution fondamentaux. Je laisserai cependant à d’autres orateurs le soin d’illustrer de telles applications souhaitables.

            Mon exposé se découpera en sept points et une conclusion.

1/ Une solidarité humaine fondamentale

Dans Lettre à un otage, Antoine de Saint-Exupéry raconte comment au cours d’un reportage sur la guerre civile en Espagne, il a été fait prisonnier par des miliciens anarchistes. L’ennui, l’angoisse et un dégoût profond devant l’absurde de sa situation s’effacèrent à la suite d’un «miracle très discret», suscité pas sa quête d'une cigarette auprès d’un de ses geôliers, en ébauchant un vague sourire. «L’homme s’étira d’abord, passa lentement la main sur son front, leva les yeux dans la direction, non plus de ma cravate, mais de mon visage et, à ma grande stupéfaction, ébaucha, lui aussi, un sourire. Ce fut comme le lever du jour. Ce miracle ne dénoua pas le drame, il l’effaça, tout simplement, comme la lumière, l’ombre. Aucun drame n’avait plus eu lieu. Ce miracle ne modifia rien qui fût visible. La mauvaise lampe à pétrole, une table aux papiers épars, les hommes adossés au mur, la couleur des objets, l’odeur, tout persista. Mais toute chose fut transformée dans sa substance même. Ce sourire me délivrait. C’était un signe aussi définitif, aussi évident dans ses conséquences prochaines, aussi irréversible que l’apparition du soleil. Il ouvrait une ère neuve. Rien n’avait changé, tout avait changé. (...) Les hommes non plus n’avaient pas bougé, mais, alors qu’ils m’apparaissaient une seconde plus tôt comme plus éloignés de moi qu’une espèce antédiluvienne, voici qu’ils naissaient à une vie proche. J’éprouvais une extraordinaire sensation de présence. C’est bien ça: de présence! Et je sentais ma parenté.»

            Plus loin, Saint-Exupéry ajoute : «J’entrai dans leur sourire à tous comme dans un  pays neuf et libre. J’entrai dans leur sourire comme autrefois dans le sourire de nos sauveteurs du Sahara. (...) Du sourire des sauveteurs, si j’étais naufragé, du sourire des naufragés, si j’étais sauveteur, je me souviens aussi comme d’une patrie où je me sentais tellement heureux. Le plaisir véritable est plaisir de convive. Le sauvetage n’était que l’occasion de ce plaisir. L’eau n’a point le pouvoir d’enchanter, si elle n’est d’abord cadeau de la bonne volonté des hommes. Les soins accordés au malade, l’accueil offert au proscrit, le pardon même ne valent que grâce au sourire qui éclaire la fête. Nous nous rejoignons dans le sourire au-dessus des langages, des castes, des partis.» (2) Ce que Saint-Exupéry appelle «cette qualité de la joie», n’est plus ici le fruit de l’art, elle est d’un autre ordre, elle suppose la reconnaissance d’une autre forme de beauté que la beauté artistique, et révèle une dimension profonde de notre être, qui ressortit à l’éthique : par-delà les langages, les castes et les partis, par delà toutes les différences, se découvre une solidarité humaine fondamentale. Qu’est-ce à dire?

            Dans la Déclaration des droits de l’homme de 1948, deux points sont particulièrement frappants :
a) On y reconnaît que ce qui fonde l’égalité des droits humains et leur caractère inaliénable (littéralement : qu’on ne peut arracher à personne), c’est la dignité de tous les membres de la famille humaine sans exception.
b) On y reconnaît que le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde, c’est la dignité humaine.

            Mais quel est au juste le sens de «dignité humaine»? Il y a une découverte, une reconnaissance du simple fait de la dignité de la personne humaine et du respect unique qu’elle mérite qui, dans l’histoire et dans la conscience des humains, précède les doctrines. On peut parler, en ce sens, d’un primat de l’éthique sur sa propre théorie et sur l’élaboration de ses fondements. Certaines notions essentielles risquent en outre de paraître inaccessibles -- alors qu’elles ne le sont pas, en vérité -- si elles sont abordées de manière abstraite au départ. Il importe donc de prendre acte en tout premier lieu de la reconnaissance de facto de la dignité humaine dans les civilisations, de préciser les notions principales qui sont en jeu et de dégager des exemples où sa reconnaissance universelle s’impose aujourd’hui plus que jamais.(3)

2/ L’hospitalité

            Le degré de civilisation d’un peuple, d’une société, se mesure à sa conception de l’hospitalité. Celle des grandes civilisations orientales est proverbiale. Mais il en allait de même plus près de nous, chez les anciens Grecs. Le premier sens du mot grec xenos, désignant l’étranger (que nous retrouvons dans «xénophobie»), est «hôte», et il a toujours conservé cette signification à côté de l’autre. L’hôte reçu, l’étranger, est sacré. Platon insistera, dans les Lois (V, 729 e et suiv.), que nos engagements à l’endroit des étrangers sont «les plus saints» (hagiôtata). Il faut «une grande vigilance pour ne commettre aucune faute à l’égard des étrangers au cours de sa vie et dans sa route vers le terme de celle-ci» (730 a; trad. E. des Places). En latin, les mots hospes et hostis renvoient l’un à l’autre comme pour mieux rendre la réciprocité des devoirs, car hospes désigne l’hôte au sens de celui qui reçoit l’étranger, hostis l’hôte ou l’étranger envers qui on a des devoirs d’hospitalité. (4) Ces mots sont, bien entendu, à l’origine d’«hospice», d’«hospitalité», d’«hôpital», d’«hôtel», d’«hôtel-Dieu» (qui désigne depuis la fin du Moyen Âge l’hôpital principal d’une ville), de milieu «hospitalier».

            Mais d’où vient ce caractère sacré de l’étranger, cette place centrale assignée à l’hospitalité, dès l’aube de la civilisation? Deux exemples s’offrent d’abord comme guides. Dans l’Odyssée d’Homère, Ulysse rentre chez lui après une longue absence sans être reconnu, comme un étranger, et est reçu comme un hôte. Au chant XIX, son épouse Pénélope déclare qu’il faut bien traiter le mendiant qu’il semble être. Au chant XXIII, elle le reconnaîtra et ce sera la liesse. Semblablement, dans le livre de la Genèse (18, 1-8), on voit Abraham, aux chênes de Mambré, déployer des prodiges d’hospitalité pour trois hôtes inconnus. Or il s’avérera qu’il aura ainsi, à son insu, accueilli des anges et Dieu même.

            Ce qu’illustrent d’abord ces deux histoires emblématiques, c’est que l’étranger est tout autre chose que ce qu’il paraît. Or il y a ici un rapprochement étonnant à faire avec la notion de personne, manifeste, ici encore, dans les mots, pour commencer. On aurait tort d’ignorer la sagesse déjà inscrite dans la langue. Le mot latin persona signifie en premier lieu «masque de théâtre», le mot grec correspondant, prosôpon, signifie premièrement la «face», le «visage», ce qui est donné au regard de l’autre, puis aussi «masque». Viendront ensuite naturellement d’autres sens, désignant le personnage, le rôle qu’il joue et l’acteur qui joue ce rôle.(5) Ces mots ne désigneront que plus tard celui ou celle qui parle derrière le masque. Cette évolution de sens est fort significative et tout à fait naturelle. Car, en fait, ce que cela traduit, c’est que nous ne voyons jamais de nos yeux corporels la personne, mais toujours un masque, un visage qui demeure du reste très souvent énigmatique, que chacune ou chacun compose plus ou moins délibérément. Mais alors, comment parvient-on à la personne au sens plus profond (qu'a maintenant ce mot d’ailleurs)? Ce n'est que par l'accès intérieur de chacune ou chacun à soi-même -- plus précisément encore l’accès éthique, lequel est fermé, justement, au barbare, qui se hait. Qu'est-ce qu'une personne pour nous? C'est un être qui pense, sent, aime, comme nous. Nous savons tous on ne peut mieux, avec la plus grande fermeté, ce qu'est une personne, par l'expérience que nous avons d'être des personnes, de vivre la vie de personnes.

            Dans ces deux cas, celui de l’hospitalité et celui de la personne, nous remarquons donc une distance, à vrai dire immense, entre l’immédiat perceptible et la réalité. Dans les deux cas il y a reconnaissance d’une excellence que les yeux du corps ne sauraient voir. Or voici un troisième cas, plus étonnant et plus significatif encore.

3/ La dignité du pauvre

            «Quelque chose est dû à l’être humain du seul fait qu’il est humain». La reconnaissance de cette «exigence plus vieille que toute formulation philosophique» (Ricoeur) est de toute époque. Elle se découvre chez tous les humains, dans toutes les cultures, et se précise à mesure que s’affirment les civilisations .(6)

            Comme nous l’avons rappelé ailleurs, la reconnaissance la plus remarquable est celle qu’on y accorde d’emblée aux plus faibles et aux plus démunis, la place centrale de la mansuétude et du respect à l’égard des pauvres. En Inde, les Lois de Manu, d’origine ancienne, déclarent sans ambages: «Les enfants, les vieillards, les pauvres et les malades doivent être considérés comme les seigneurs de l’atmosphère».(7)  La sagesse chinoise met au premier rang la «capacité de conforter les autres».(8) Le respect des pauvres dans tous les sens du terme, de ceux qui souffrent, est, on le sait, au cœur des traditions juive et chrétienne. Le Coran fait état des devoirs envers les orphelins, les pauvres, les voyageurs sans logis, les nécessiteux, ceux qui sont réduits à l'esclavage .(9) La compassion est un des deux idéaux principaux du bouddhisme .(10) Partout on semble pressentir que c’est dans le dénuement que l’humain se révèle le plus clairement et impose pour ainsi dire sa noblesse propre -- celle de son être, non de quelque avoir -- à la conscience. Chez les Grecs, la parole du vieil Oedipe, aveugle et en haillons, pratiquement abandonné, l’exprime on ne peut mieux: «c'est donc quand je ne suis plus rien, que je deviens vraiment un homme». (11) Aussi le mot «infirmier, infirmière» ajoute -t-il une nuance capitale à celle d’«hospitalier», que nous venons de relever, puisqu’il renvoie expressément à son origine latine, infirmus, infirmitas, «faible, faiblesse». Les soins infirmiers donnent ainsi une figure concrète à la reconnaissance de cette noblesse essentielle des êtres humains qui se manifeste jusque dans la plus extrême faiblesse.

            Plus étonnant encore, si c’est possible, est le respect des morts, illustré dès la nuit des temps par les premiers humains, qui ensevelissent leurs morts, et selon des rites. Pourquoi est-on encore aujourd’hui ému jusqu’à l’approbation devant la décision de la jeune Antigone (dans la grande tragédie de Sophocle qui porte son nom) de refuser, au péril de sa propre vie, de laisser là «sans larmes ni sépulture», pâture des oiseaux ou des chiens, le corps de son frère Polynice, pourtant dénoncé comme traître, et de défendre son droit à la sépulture, son appartenance à une commune humanité, au nom de «lois non écrites, inébranlables, des dieux»? Le mort à l'état de cadavre n'étant plus, et entièrement à la merci des forces naturelles, les vivants ont à son endroit un devoir sacré: celui de faire en sorte que, tout cadavre qu'il soit, il demeure membre de la communauté humaine. Le symbole du rite de la sépulture le rend à nouveau présent.

            Le jugement d’Antigone est d'ordre éthique car il a la forme d'un engagement: je déclare que le cadavre de mon frère mérite tous les honneurs dus à un être humain et c'est mon devoir -- puisque je suis sa sœur et que nos parents ne sont plus -- d'agir en conséquence, même au prix de ma vie. L’écho universel que suscite cet engagement éthique d’Antigone implique que même le cadavre, les restes sous quelque forme que ce soit, d’une personne, fût-elle condamnée, ont droit à des rites sacrés. Le rite de la sépulture le restitue à la communauté humaine à laquelle il appartient en droit. Or si cela est juste s’agissant des morts, si même les restes d’un homme condamné méritent pareil respect, que penser d’un corps humain vivant, si démuni ou vulnérable qu’il puisse être?

            De nos jours, Emmanuel Levinas a attiré à nouveau l’attention sur le fait que le visage humain, nu et vulnérable, essentiellement pauvre, n’impose pas moins le respect. L’accès au visage est d’emblée éthique. Un assassin ne peut regarder sa victime dans les yeux, comme s’il pressentait la présence de quelque chose de sacré.(12) Mais Antigone va d’emblée au plus profond, puisque son frère n’avait plus même de visage – comme chez Isaïe (52, 14), «son apparence n’était plus celle d’un homme».(13) Ce qu’Antigone fait voir si nettement c’est que, quelle que soit notre condition, nous partageons tous une même humanité, et donc une même dignité. À moins, certes, que le progrès de la civilisation, ou de l’éthique, n’implique le rejet de telles reconnaissances et de telles pratiques millénaires comme une longue erreur. Or ni la philosophie ni les merveilleuses découvertes de la science ne sauraient apporter le moindre appui à pareille conclusion. Leur rejet confinerait, bien plutôt, à la barbarie.

4/ Définition classique de la dignité

            Appliqué à l’être humain, le mot de dignité doit s’entendre de manière non sentimentale, rigoureuse. Il signifie rien de moins que ceci: l’être humain est infiniment au-dessus de tout prix. Emmanuel Kant a excellemment défini, dans les Fondements de la métaphysique des mœurs, cette distinction fondamentale entre dignité et prix: «Dans le règne des fins, tout a un PRIX ou une DIGNITÉ. Ce qui a un prix peut être aussi bien remplacé par quelque chose d’autre, à titre d’équivalent; au contraire, ce qui est supérieur à tout prix, et par suite n’admet pas d’équivalent, c’est ce qui a une dignité. Ce qui se rapporte aux inclinations et aux besoins généraux de l’homme, cela a un prix marchand; ce qui, même sans supposer de besoin, correspond à un certain goût, c’est-à-dire à la satisfaction que nous procure un simple jeu sans but de nos facultés mentales, cela a un prix de sentiment; mais ce qui constitue la condition qui seule peut faire que quelque chose est une fin en soi, cela n’a pas seulement une valeur relative, c’est-à-dire un prix, mais une valeur intrinsèque, c’est-à-dire une dignité».(14)

            Or justement l’être humain, écrit Kant, «existe comme fin en soi, et non pas simplement comme moyen dont telle ou telle volonté puisse user à son gré; dans toutes ses actions, aussi bien dans celles qui le concernent lui-même que dans celles qui concernent d’autres êtres raisonnables, il doit toujours être considéré en même temps comme fin. (...) Les êtres raisonnables sont appelés des personnes, parce que leur nature les désigne déjà comme des fins en soi, autrement dit comme quelque chose qui ne peut pas être employé simplement comme moyen, quelque chose qui par suite limite d’autant notre faculté d’agir comme bon nous semble (et qui est un objet de respect). Ce ne sont donc pas là des fins simplement subjectives, dont l’existence, comme effet de notre action, a une valeur pour nous: ce sont des fins objectives, c'est-à-dire des choses dont l'existence est une fin en soi-même, et même une fin telle qu’elle ne peut être remplacée par aucune autre (...)». Autant dire, comme il l’avance du reste expressément, que les personnes ont une valeur absolue, non relative.(15)

5/ Justice

            Le défi par excellence de la justice est de savoir reconnaître les droits entiers de celles ou ceux qui sont les plus différents de moi et pour lesquels je puis même, par exemple, ne pas éprouver de sentiment spécial de sympathie. Qu'est-ce que la justice? Tout simplement «l'intention ferme et persévérante de rendre à chacun son dû  (suum cuique)» (Justinien, Institutes, I, I). Mais qu'est-ce, en vérité, qui est dû à chacun? Qu'est-ce qui fonde le son dans «son dû»? Comment cela peut-il appartenir à une personne? On parle, par exemple, de droit à la vie: quelle est la base de pareille obligation?

            Nous pressentons que nous avons affaire ici à quelque chose de premier, en vertu de quoi un être humain a un droit lui appartenant de manière inaliénable (ce qui veut vraiment dire lui appartenir, car inaliénable signifie, encore une fois: on ne peut le lui enlever, arracher). On lit déjà dans le Gorgias de Platon qu'il vaut mieux souffrir une injustice qu'en commettre une: en d'autres termes, tel ou tel droit d'autrui peut être à ce point fondamental qu'y porter atteinte soit se faire à soi-même plus de tort qu'à la victime. Seule son humanité peut en rendre compte: on ne peut remonter plus loin. Nier celle-ci comme fondement des droits ouvre au reste la porte à tous les totalitarismes. Il s'agit en réalité d'une obligation morale, nullement d'une contrainte; de quelque chose qui s'impose à ma liberté — un peu comme ce visage humain à découvert, sans défense, vulnérable et qui cependant m'oblige, ainsi que nous venons de le rappeler à la suite d’Emmanuel Levinas.

            Or il est aisé de voir que droit implique devoir: ils sont comme l'envers et l'endroit d'une même réalité. Si une chose vous est due, il s'ensuit que c'est pour d'autres un devoir, une obligation de vous la rendre; de même que pour vous-même ce qui est dû à d'autres. Voici qu'apparaît clairement la relation à autrui. Nous voici en fait -- s’agissant d’altérité et de différence -- au cœur de la justice. Il s'agit d'autre chose que l'amitié, car ici l'autre est en quelque sorte séparé; si j'éprouve pour vous de l'amitié, voire simplement une sympathie naturelle, les gestes qui en résulteront ne seront pas le fait de la justice comme telle. La justice se vérifie plutôt dans la reconnaissance d'une dette, d'un dû, à l'égard de l'autre comme autre. Sa grandeur se vérifie le plus clairement dans les cas où l'altérité est la plus prononcée: plus l'autre est loin de moi, moins j'ai d'affinité avec lui, plus le devoir à son endroit relèvera-t-il de la justice proprement dite.
Toutes les exclusions, toutes les manières d'éliminer pratiquement autrui participent de l'injustice. Il en est de subtiles, telles la calomnie, la médisance, le «meurtre civil» (détruire sa réputation). Plus manifestes encore sont cependant les multiples formes d'intolérance et de discrimination: racisme, sexisme, fanatisme prétendument religieux. – voire une idéologie de la santé ou une autre, dont le paradigme au vingtième siècle aura été, à nouveau, fourni par le nazisme, où le modèle humain devenait l’être considéré comme «performant» selon une optique réductrice définie d’avance, à base de ressentiment.(16)

            Ne voit-on pas encore là avec quelle netteté est ainsi mise en évidence la dignité humaine, comme la seule réalité qui puisse continuer de faire d’autrui, quel qu’il soit, un autre soi? Tel est du reste le sens de la Règle universelle, dite d'or: «ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse» (Entretiens de Confucius, XV, 23); «faites aux autres ce que vous voudriez qu'ils vous fassent» (Matthieu 7, 12). Il y a là une expression de la solidarité humaine la plus fondamentale. Comme l’a excellemment marqué Paul Ricoeur, le respect met en présence de la «voix de la conscience» (Rousseau), qui est «aussi la voix de l’universel, dont est dite l’intransigeance», et à laquelle elle ajoute le trait de l’impartialité. «Impartiale, la voix de la conscience me dit que toute vie autre est aussi importante que la mienne, pour reprendre la formule récente de Thomas Nagel dans Égalité et partialité».(17)

6/ Le désir de reconnaissance

            Il est cependant un autre aspect de la dignité humaine, qui, lié à l'estime de soi comme moteur essentiel de toute l'activité humaine, n'est pas sans rapport avec l'idéal de grandeur que, sous le vocable de magnanimité, la pensée grecque classique avait déjà mis au centre de l'éthique. Il s’agit de ce que la pensée moderne appelle, depuis Hegel surtout (précédé toutefois par Fichte), le désir de reconnaissance (Anerkennung). Pourquoi attachons-nous, bon gré mal gré, tant d'importance à ce que les autres disent de nous, même alors que nous prétendons ne pas vraiment nous en faire, ou les mépriser? D'où vient le choc de ne pas être salué, ou simplement reconnu, par une telle ou un tel? Qu'on se l'avoue ou pas, pourquoi désire-t-on tant être aimé?

            C'est que le respect de soi, l'amour de soi bien compris («Aime ton prochain comme toi-même», dit un précepte célèbre), sont les sources vives de tout l'agir humain. On le voit clairement par leurs contraires. Gabriel Marcel évoquait l'emploi systématique par les nazis de «techniques d'avilissement» dont le but était de détruire chez des individus «le respect qu'ils peuvent avoir d'eux-mêmes», et de les «transformer peu à peu en un déchet qui s'appréhende lui-même comme tel, et ne peut en fin de compte que désespérer, non pas simplement intellectuellement, mais vitalement, de lui-même».(18) On souligne parfois que les médias, la presse écrite ou audiovisuelle, la publicité, le matraquage à la télévision d'images violentes ou simplement triviales mais anesthésiantes, ont tendance à infirmer la faculté d'attention et le sens critique. Plus gravement encore, cependant, ils fabriquent et entretiennent une image dégradée de l'être humain -- et de soi par conséquent -- diminuant du même coup la qualité de la volonté d'agir et risquant d'anéantir peu à peu le désir non seulement d'imprimer un sens à sa vie, mais de vivre tout court.

            Aussi, la reconnaissance par autrui peut-elle agir en revanche comme un puissant motif positif. Pascal observait avec finesse que «nous avons une si grande idée de l'âme de l'homme, que nous ne pouvons souffrir d'en être méprisés, et de n'être pas dans l'estime d'une âme; et toute la félicité des hommes consiste dans cette estime»; il ajoutait: «quelque avantage [que l'homme] ait sur la terre, s'il n'est placé avantageusement aussi dans la raison de l'homme, il n'est pas content. C'est la plus belle place du monde, rien ne peut le détourner de ce désir, et c'est la qualité la plus ineffaçable du cœur de l'homme».(19)

            Il ne faut pas hésiter à qualifier de croissante de nos jours la puissance de ce désir de reconnaissance. Elle va de pair avec la croissance incommensurable du sentiment de liberté. Nous touchons là à une des réalités profondes de notre temps. Isaiah Berlin a bien montré que d'aucuns -- peuples comme individus -- préfèrent être maltraités par des membres de leur propre race ou classe sociale, qui le tiennent pour un égal, que d'être bien traités mais avec condescendance par des individus qui ne les reconnaissent pas pour ce qu'ils veulent être. «Telle est, écrit-il, l'immense clameur que fait entendre l'humanité -- les individus, les groupes et, de nos jours, les catégories professionnelles, les classes, les nations et les races».(20)

            Il y a là un ordre de réflexions extrêmement important, que chacune et chacun doit être en mesure de transposer dans l'ordre de ses contacts professionnels et de ses décisions. Si j'ai à informer quelqu'un d'une décision pénible le concernant, la manière est capitale: il faudra déployer tout le tact possible; non pas mentir, ou cacher la vérité, mais la lui apprendre en me laissant mesurer par la gravité de la nouvelle pour cette personne-ci, en ses circonstances à elle; il va de soi que plus ma propre sensibilité aura su s'affiner, mieux je serai en mesure de respecter la sienne. Cela correspond à ce que l'éthique classique appelait la «bénignité», la vertu qui préside non pas au don comme tel, mais à la façon de donner; l'expérience confirme qu'annoncer une bonne nouvelle avec arrogance, ou faire un don généreux de manière blessante, risque souvent de faire plus de mal que de bien. Entretenir une vive conscience du rôle central du désir de reconnaissance chez tout être humain, incitera à se montrer inventif dans les moyens de manifester le respect d'autrui au sein des rapports humains même les plus difficiles, voire conflictuels.(21)

7/L’amitié

            L'amitié ressortit plus que la justice même à l'éthique, déjà selon Aristote. «Quand les hommes sont amis il n'y a plus besoin de justice, écrit-il, tandis que s'ils se contentent d'être justes ils ont en outre besoin d'amitié, et la plus haute expression de la justice est, dans l'opinion générale, de la nature de l'amitié» (Éthique à Nicomaque, VIII, 1, 1155 a 26-28). Bien plus que nécessaire, l'amitié est donc en outre avant tout quelque chose de noble et de beau (kalon), à tel point que pour certains «un homme bon et un véritable ami» ne font qu'un (cf. a 28-31).

            Les deux thèmes principaux, s'agissant de la philia chez Aristote, sont ceux de l'ami comme allos (autre) ou heteros (autre encore), autos, «autre soi-même», et de la philautia, «amour de soi», origine réelle de toute amitié véritable. Il en ressort que l'ami est donc un autre soi au sens fort, d'autant plus paradoxalement que chacun de nous est unique. «C'est ici que survient pour Aristote le miracle de l'amitié — ce partage de ce qui est sans partage, cette cession de l'incessible, cette mise en commun de ce qui est absolument propre. Nous pouvons nous réjouir de l'être de l'ami comme du nôtre propre, nous réjouir qu'il soit, simplement».(22)

            Mais comment pouvons-nous ainsi nous en réjouir? De ce que, précisément, notre ami est un autre soi, comme le répète encore à deux reprises EN IX, 9 (en 1069 b 6-7, et 1170 b 6-7), certainement le sommet de tous les nombreux chapitres d'Aristote relatifs à l'amitié. La vie humaine se définit avant tout par la perception et la pensée (aisthêsis et noêsis) (cf. 1170 a 13 sq.). Or vivre et être conscient de vivre ne font qu'un: percevoir que l'on perçoit, penser que l'on pense (1170 a 32). Dans ce qu'elle a de meilleur, l'amitié est partage de ce que la conscience d'exister de l'autre a également de meilleur (cf. 1170 b 2-8; b 10-12).

Conclusion

Nous avons retrouvé plusieurs fois maintenant le trait entrevu au départ dans la notion d’hospitalité puis dans celle de personne, à savoir la distance immense entre ce qui paraît en surface et ce qui est. C’est pourquoi l’exemple d’Antigone est si significatif : même le cadavre humain est digne de respect. Il ne peut se trouver d’excellence plus éloignée des apparences que cela.

En d’autres termes encore et pour aller plus loin, aux «exclus» s’opposent les «inclus», aux «anormaux» les «normaux», lesquels seraient en somme la «norme». Au nom de quoi s’érigerait cette norme, ce droit à l’inclusion? Certainement pas au nom de l’humain, que cette façon de parler nie et détruit. Un monde imposant un modèle d’humanité inspiré d’images publicitaires, par exemple, serait profondément inhumain. Mais dès lors qu’est-ce que l’humain, et qui est humain? À qui appartient-il d’en décider? Peut-on savoir ce qu’est le droit si on ne sait pas ce qu’est l’être humain? Rien n’est plus apte à faire découvrir quelle est notre vraie condition que la reconnaissance de l’égale dignité de tous les humains, incluant tous les exclus de toutes sortes, quel que soit le prétexte de l’exclusion. Ces derniers nous font voir comment devrait vivre notre société. Sans la reconnaissance que chaque personne est nécessairement égale en dignité à toute autre personne et que sa valeur dépasse toute appréciation  -- ce qui est, encore une fois, le sens du mot «dignité» ici --, il n’est pas de véritable société humaine. Le droit, le désir de reconnaissance réciproque, l’amitié nécessaire entre humains, vivent tous de la différence. Plus celle-ci est grande, mieux ils se réalisent. Il n’est pas de plus grand défi pour le nouveau millénaire que de reconnaître cela de manière concrète.

Dans la recherche aussi, les différences, la diversité, du point de vue des compétences, des formations, des origines, des efforts peuvent s’avérer des facteurs très positifs. L’exclusion ou la marginalisation de chercheurs authentiques n’a somme toute guère de justification, au bout du compte, ni sur le plan humain, ni sur celui de l’efficacité de la recherche elle-même. Or cette dernière, et en particulier la recherche fondamentale, est si vitale pour le bien commun qu’il importe au plus haut degré de s’en préoccuper comme le veut le présent colloque.

                                               Thomas De Koninck
            Chaire «La philosophie dans le monde actuel», Université Laval

1- Goethe,«Shakespeare à n’en plus finir», in Écrits sur l’art, trad. Jean-Marie Schaeffer, Paris, GF-Flammarion, 1996, p. 248.

2- Antoine de Saint-Exupéry, Lettre à un otage, IV, in Oeuvres, Gallimard, La Pléiade, 1953, p. 401-402.

3- Plusieurs chapitres de notre livre, De la dignité humaine (Presses Universitaires de France, 1995), sont consacrés à l’examen des fondements de cette dignité.

4- Ce n’est que plus tard que hostis signifiera au contraire l’ennemi et, plus précisément, l’ennemi public. Sur le mot xenos, voir de préférence le Liddell and Scott, A Greek-English Lexicon, Oxford,  Clarendon Press, 1968, plus rigoureux dans l’ordre des significations et plus riche en références que le Bailly, Dictionnaire grec-français, Paris, Hachette, 1961. Sur hospis et hostis, voir A. Ernout et A. Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine, 4ème édition, Paris, Klincksieck, 1959.

5- On consultera avec profit Paul Ladrière, La notion de personne, héritière d’une longue tradition, dans le collectif Biomédecine et devenir de la personne, sous la direction de Simone Novaes, Paris, Seuil, 1991, p. 27-85. Voir aussi Maurice Nédoncelle, «Prosôpon et persona dans l’Antiquité classique», Revue des sciences religieuses, vol. LXXXIII, no. 31948, p. 227-297, Alan Montefiore, «Identité morale», dans Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, sous la direction de Monique Canto-Sperber, Paris, Presses Universitaires de France, 1996, p. 691-697, Dominique Folscheid, «La question de la personne» et Jean-François Mattéi, «La liberté et la responsabilité», in Dominique Folscheid, Brigitte Feuillet-Le Mintier, Jean-François Mattei, Philosophie, éthique et droit de la médecine, Paris, Presses Universitaires de France, 1997, respectivement p. 78-84; 85-92.

6- Cf. Paul Ricoeur, “Pour l’être humain du seul fait qu’il est humain”, dans Les enjeux des droits de l’homme, sous la direction de Jean-François de Raymond, Paris, Larousse, 1988, p. 235-236.

7- Cf. notre livre De la dignité humaine, op. cit., p. 1-19; C. S. Lewis, L’abolition de l’homme, trad. Irène Fernandez, Paris, Critérion, 1986, p. 189.

8- Selon Marcel Granet, toute la doctrine confucéenne de «la vertu suprême», le ren (ou jen) se définit comme «un sentiment actif de la dignité humaine», fondé sur le respect de soi et le respect d'autrui — dont elle fait au reste dériver la règle d'or; cf. La pensée chinoise, Paris, Albin Michel, 1968, p. 395-398. Voir Confucius, Entretiens (trad. Anne Cheng, coll. «Points Sagesse», Paris, Seuil, 1981), XII, 22; cf. VI, 23; IV, 15.

9- Cf. I Rois 21; Isaïe, 58, 6-10; Deutéronome 15, 1-15; 24, 10-15; 26, 12; Proverbes 14, 21; 17, 5; 22, 22-23; 23, 10-11; Matthieu 5, 3-12; Luc 6, 20-26; 10, 29-37; Marc 12, 41-44; Luc 16, 19-25; Matthieu 25, 31-46; et Azim Nanji, Islamic Ethics, in A Companion to Ethics, ed. Peter Singer, Oxford, Basil Blackwell, 1991, p. 108 sq..

10- Sur la sagesse et la compassion dans le bouddhisme, voir R. E. Florida, dans Buddhist Approaches to Abortion, in Asian Philosophy, vol. 1, no. 1, 1991, p. 39-50.

11- Sophocle, Oedipe à Colone, texte établi par Alphonse Dain et traduit par Paul Mazon, Paris, Les Belles Lettres, 1960, v. 393.

12- Cf. Emmanuel Levinas, Totalité et infini, La Haye, Martinus Nijhoff, 1971; Humanisme de l'autre homme, Paris, Fata Morgana, 1972; les exposés spécialement clairs de Éthique et Infini, Paris, Fayard, 1982, p. 89-132; et Pascal, Pensées, Brunschwicg 434; Lafuma 131: « (...) apprenez que l’homme passe infiniment l’homme (...)».

13- Dominique Folscheid fait observer que l’embryon humain, qu’il ne craint pas d’appeler  néanmoins «notre plus-que-prochain», n’a pas non plus de visage: cf. son article “L’embryon, ou notre plus-que-prochain”, in Ethique, no. 4, 1992, pp. 20-43, spécialement 25. Voir en outre le volume Philosophie, éthique et droit de la médecine, sous la direction de Dominique Folscheid, Brigitte Feuillet-Le Mintier et Jean-François Mattei, op. cit., p. 195-208.

14- Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, deuxième section, trad. Victor Delbos revue et annotée par Ferdinand Alquié, in Kant, Oeuvres philosophiques II, Paris, Gallimard, coll. Pléiade, 1985, p. 301-302 (AK IV, 434-435). Dans cette citation de Kant comme dans celles qui suivent, les mots soulignés le sont dans le texte.

15- Kant, ibid., p. 293-294 (AK IV, 428). Cette idée de l’être humain comme fin en soi se découvre dès l’antiquité grecque, dans la conception de la liberté comme l’opposé de la servitude: «nous appelons libre celui qui est à lui-même sa fin et n'existe pas pour un autre» (Aristote, Métaphysique, A, 2, 982 b 25-26). Pour une discussion développée de ce point et des rapprochements avec Kant, voir Emerich Coreth, Vom Sinn der Freiheit, Innsbruck-Wien, Tyrolia -Verlag, 1985, spécialement p. 22-34; cf. en outre Jacqueline de Romilly, La Grèce antique à la découverte de la liberté, Paris, Editions de Fallois, 1989 (repris dans la coll. «Biblio Essais» du Livre de Poche). Voir, d’autre part, les Actes du Concile Vatican II, «Gaudium et Spes», paragr. 24: «l'homme, seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même (...)».

16- On peut au reste se demander, en pareille optique, ce que signifie au juste l’expression extrêmement ambiguë, polysémique à souhait -- autant que les mots «qualité» et «vie» eux-mêmes --, de «qualité de vie»? Entre les mains d’un idéologue de la santé, la vie de l’éminent physicien Stephen Hawking, dont les handicaps sont notoires, aurait été dès longtemps supprimée (cf. Michael White and John Gribbin, Stephen Hawking. A Life in Science, London, Penguin Books, 1992). Sur l’idéologie de la santé, voir André Mineau, Gilbert Larochelle, Thomas De Koninck, «Le nazisme et l’idéologie de la santé: les avatars modernes de la dignité humaine», in Revue d’histoire de la Shoah. Le monde juif, Paris, octobre 1998.

17- Paul Ricoeur, Le Juste, Paris, Éditions Esprit, 1995, p. 215-217; cf. 73 sq., 93 sq. et passim. Cf. Thomas Nagel, Égalité et partialité (1991), trad. fr., Paris, Presses Universitaires de France, 1994; Jürgen Habermas et John Rawls, Débat sur la justice politique, trad. Rainer Rochlitz (avec la collaboration de Catherine Audard), Paris, Cerf, 1997, p. 22 sq.; 120 sq., 143 sq., 183; sur les droits de l’homme, cf. Jürgen Habermas, Droit et démocratie. Entre faits et normes, trad. Rainer Rochlitz et Christian Bouchindhomme, Paris, Gallimard, 1997, p. 108 sq.; 484 sq.; et Die Einbeziehung des anderen. Studien zur politischen Theorie, Frankfurt am Main, Suhrkamp Verlag, 1996, chapitre 7; John Rawls, Le droit des gens, trad. Bertrand Guillaume, Paris, Éditions Esprit, 1996; coll.10/18, p. 88 sq.

18- Cf. Gabriel Marcel, Les hommes contre l'humain, nouvelle édition avec une préface de Paul Ricoeur, Paris, Éditions universitaires, 1991, p. 35-53, spécialement p. 37-40.

19- Pensées, Brunschvicg, 400 et 404; Lafuma 411 et 470.

20- Isaiah Berlin, Éloge de la liberté, trad. Jacqueline Carnaud et Jacqueline Lahana, Paris, Calmann-Lévy et Presses Pocket, coll. "Agora", 1990, p. 204; cf. p. 202-209.

21- Voir, aujourd’hui, sur la bienveillance, le chapitre IX de Robert Spaemann, Bonheur et bienveillance. Essai sur l’éthique, trad. Stéphane Robillard, Paris, Presses Universitaires de France, 1997, p. 129-148. Pour la tradition judéo-chrétienne, l’étude classique de C. Spicq, «Bénignité, mansuétude, douceur, clémence», in Revue biblique, 1947, tome LIV, p. 321-339, demeure inégalée.

22- Jean-Louis Chrétien, La voix nue. Phénoménologie de la promesse, Paris, Minuit, 1990, p. 217. Voir aussi Henri Maldiney, Penser l'homme et la folie, Paris, Jérôme Millon, 1991, p. 355 sq..